• Chapitre 3

    Pas de douleurs. Pas de goût étrange. Pas même de sensation désagréable. Je ne ressentais rien. J’étais mort et pourtant j’étais capable de réfléchir. Si j’ouvrai les yeux je pourrais sûrement voir quelque chose.

    Une vue de l’obscurité. Flottant dans les ténèbres mais voyant comme en plein jour. J’étais entouré de pales silhouettes. Le ciel n’était que ténèbres et le sol ressemblait a de la terre battu ou a de la neige, sans l’aspect lumineux de celle-ci, comme si elle n’avait aucune lumière a reflété. Au loin j’apercevais une aura plus forte, pas tout à fait lumineuse mais différente des ténèbres environnant. Le silence fut soudain brisé par des voix lointaines, qui se rapprochaient et semblait me tirer vers elles.

     

    La réalité me frappa avec la force d’un pigeon à pleine vitesse dans une fenêtre. Je repris ma respiration d’un coup et clignai des yeux. J’étais allongé par terre face au dieu de la mort qui souriait, mais dans une version plus douce de son habituel sourire carnassier.

    -Comment tu trouves le royaume des morts ? Me demanda-t-il.

    -Plus tard j’y retournerai, mieux je me porterais.

    -Je te comprends, mais ne t’inquiète pas on s’y fait.

    Thanatos me paru soudain plus sympathique.

     

    Je me redressai et regardai la cour du lycée : dans un coin Alex, Flo et Eros discutaient et mes deux copains, les mains tendus semblaient essayer d’y faire apparaître des objets.

    Thanatos m’aida à me relever en m’expliquant que son frère leur enseignait la base des pouvoirs de la lumière.

    -M’enseignerez vous également les bases ? Lui demandai-je.

    -Oui, mais pas maintenant. La journée appartient à la lumière.

    -Alors, vous n’avez aucun pouvoir durant le jour ?

    -Si, mais pas les mêmes. L’absence de lumière crée les ténèbres ; sa présence crée l’ombre.

     

    En regardant à nouveau je remarquais qu’ils avaient changé de vêtements. Alex était revêtu de ce qui semblait être un pantalon de toile résistant, de couleur blanc et d’une veste renforcée aux coudes. Il portait une dague au coté gauche et une hache à deux mains dans le dos. Florian avait préféré une tunique en tissu renforcé de plaque de cuir aux coudes et aux épaules, recouverte de runes anciennes et intraduisibles. Le tissu était blanc avec des reflets bleutés et une fine bande d’un bleu plus sombres s’enroulait sur ses manches. Son pantalon, fait dans le même tissu, recouvrait le haut de ses chaussures. Un sabre pendait à sa hanche et son éternel épi faisait office de chapeau.

    -Joli vêtement. Fis-je remarqué.

    -Si tu veux changer les tiens, concentre-toi sur ce que tu veux et tes habits actuels devraient changer

    Je fermais les yeux et pensais aux habits idéaux pour ce que nous aurions à faire. Il y eut un petit " pop " et je sentis le contact de mes vêtements changés.

    J’étais maintenant vêtu d’un pantalon léger, d’une chemise de soie recouverte de cuir aux endroits vitaux (c'est-à-dire partout) et d’une veste, le tout noir bien sûr. Ils étaient à la fois léger et résistant, idéal pour le voyage à accomplir. A mes côtés pendaient deux épées à une main pouvant être reliées ensemble par la poignée.

    Thanatos me regarda un instant avant que Flo, Alex et Eros nous rejoignent.

    -Bon, tout le monde est prêt. Constata Eros. Alors on peut y aller.

    -Encore un truc à faire et ça sera bon. Répondis-je.

    Florian profita de cet répit pour s’adressé alors à Eros et lui demanda :

    -Je peux avoir des ailes ?

    Son dieu le regarda avec étonnement.

    -Si tu te concentres suffisamment fort, oui. Mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile.

    Florian ferma les yeux et son front se rida. Apres un moment il y eut un minuscule ‘‘plop’’ et Flo rouvrit les yeux.

    -J’ai réussi ?

    Il n’avait pas d’ailes, pas même le squelette d’une, juste une petite plume, dont on n’aurait pas voulu pour rembourrer une couette, qui dépassait dans son dos.

    Eros déclara que c’était un bon début, pendant qu’Alex, Thanatos et moi étions secoués de rire.

    Après m’être calmé, je cherchai une grosse pierre plate et un bout de craie. Je la plantais dans le sol de la cour avant d’y écrire :

    ‘‘ Çi gît mon passé, et ma vie ’’

    Je fis trois pas en arrière pour contempler mon œuvre et annonçais

    -C’est bon, on peut y aller.

    -Hé ! Une tombe ! Bonne idée ! s’exclama Flo.

    Finalement deux autres petites tombes poussèrent au milieu de la cour en ruine. Et il nous fut possible de nous mettre en route.

     

    Une fois en dehors du lycée, Eros fit un résumé de la situation :

    -Un peu après le moment où on vous a ‘‘récupérés’’, le prince Nathan a fait assassiné son père, s’attribuant les pleins pouvoirs et nommant le général Yann conseillé. Il a ensuite déclaré une guerre à Galbadia et, aux dernières nouvelles il s’apprêtait à lancer un assaut sur la Passe Darme.

    -Donc on va à Antar pour l’arrêter le plus vite possible. Conclut Thanatos.

    -Direction plein nord alors. Dit Flo, expert en géographie, comme en toutes les autres matières d’ailleurs.

    -C’est partit.

     

    Au bout de trois mètres une feuille de papier se matérialisa devant nous en faisant ‘‘Bip Bip’’ Thanatos l’attrapa et lut avant de la passer à Eros.

    -Qu’est-ce que c’est? Lui demandais-je

    -Un Diosmail. Me répondit-il. Un message divin

    Eros finit sa lecture avant de modifier nos plans.

    - On ne va pas au nord finalement.

    -Pourquoi ? demanda Alex. Il y a écrit quoi ?

    Eros lui tendit la feuille et il put nous la lire :

    ‘‘Empereur devenu spectral. Trouver l’épée. Emplacement dans grimoire, normalement à Jivéj-gagne. Attention prophéties.’’ Et c’est signé : Grand Dieu.

    -C’est quoi cette histoire d’épée et de prophéties ? Demandai-je après avoir relu la lettre plusieurs fois.

    -Pour tuer un spectre il faut une lame d’ombre, une épée légendaire.

    -Mais ces épées ont disparu il y a plus de deux cents ans ! S’étonna Florian.

    -Oui. Lui répondit Eros. Mais leurs emplacements sont marqués dans le grimoire des dieux, qui, d’après les informations qu’on a, est à Jivéj-gagne.

    -Jivéj-gagne ? S’exclama Alex. Mais c’est perdu en plein milieu du désert du Sagrat !

    -Oui et il va falloir qu’on trouve la ville. Où ce qu’il en reste.

    -Et les prophéties ?

    -Il y en a toujours avec les vieux artefacts…

    Nous avons donc fait demi-tour pour la première fois de notre voyage et nous sommes mis en marche vers le sud, Eros et Thanatos en tête en tête de notre petit cortège.

     

    * * *

     

    A peu près à ce moment-là, à Antar, place du palais impérial, à l’intérieur du dit palais impérial, dans la salle du trône impérial, Yann s’avançait une fois de plus entre les longues colonnades, suivit de deux soldat tenant un vieillard à la longue barbe blanche, occupé a les taper à l’aide de son bâton en criant ‘‘lâchez-moi, lâchez-moi ’’.

    L’empereur Nathan releva la tête et regarda Yann saluer, droit comme un I, le bras droit à l’horizontale, le coude plié et la main au niveau du cœur.

    -Bonjour, ô votre grandeur, vous qui…

    -Abrège le protocole ! J’ai un monde à conquérir. Le coupa l’empereur.

    -On a le vieux singe, votre honneur.

    Le vieillard le frappa sur le casque avec son bâton, ce qui produisit un son de cloche étouffée.

    -Je suis un sage, pas un singe !

    Nathan se leva.

    -Silence vieillard ! Sais-tu seulement qui je suis ?

    -Un assassin en manteau de fourrure, qui se lave les mains du sang de ses victimes et s’érige en héros alors qu’il devrait se terrer et expier sa faute.

    Nathan parut décontenancé qu’un vieux croulant comme celui-ci lui tienne tète mais finit par se reprendre.

    -Non, vieillard. Je suis ton empereur. Et ce n’est pas sur mon ordre que le cuisinier a confondu l’huile d’olive avec l’arsenic dans l’assiette de mon père. Il ne faut pas croire les racontars.

    Nathan laissa un silence que le sage mit à profit pour frapper ses gardes avant de reprendre.

    -Il parait que tu peux faire de moi un spectre.

    Le vieillard releva la tête. Une lueur perçait dans ses yeux, comme de l’intérêt.

    -Je peux le faire. Moyennant les quinze dernières années de récolte de carottes.

    Yann fut le premier à réagir.

    -Mais on ne cultive pas de carottes dans l’empire !

    Le sage le regarda

    -Ah bon ? Dommage. C’est très bon les carottes. Déclara-t-il. Dans ce cas, je me contenterai d’une émeraude toute simple. Mais de taille suffisante quand même.

    Le général et l’empereur se regardèrent et, au bout d’un moment, Nathan déclama à l’attention des serviteurs attentifs à ses moindres désirs :

    -Que l’on amène la plus grande émeraude du trésor.

    L’un des serviteurs s’approcha et s’inclina avec un mélange de respect et de crainte.

    -Impossible votre honneur. Dit-il

    -Pourquoi cela?

    -Personne ne peut la soulever votre seigneurie.

    Nathan, qui était loin d’être un crétin, reconnu la véracité des paroles du serviteur et effaça de son esprit sa première pensée, qui avait été d’écourter la vie du serviteur pour refus d’obéissance et se rangea sur la voie de la raison.

    -Alors que l’on amène une émeraude de taille respectable.

    -Oui mon seigneur. Répondit le serviteur qui partit à reculons, soulagé de garder sa tête.