Chapitre 9

 

Nous avons atterri à bord de l’Yfrit dans un hangar miniature. Devant nous s’ouvrait un couloir.

-Le vaisseau est grand. Dit Flo. Il faut qu’on trouve la salle de l’empereur.

-Il doit être à l’avant, dans la salle avec la grande baie vitrée

-Essayons de passer inaperçu. Proposa Alex.

Nous commencions à avancer dans le couloir quand des bruits de course se répercutèrent en echo dans le couloir. Trois soldats apparurent au bout de celui-ci et coururent vers nous. Ils s’arrêtèrent à trois mètres de nous et l’un d’eux s’approcha et brandit sa lance devant nous.

-Vous êtes en état d’arrestation ! Déposez vos armes. Dit-il.

Thanatos regarda Eros.

-Je peux ?

-Vas-y. Fait ce que tu veux.

Thanatos sourit et s’avança d’un pas. Il mit la main sur le manche de l’épée qui était dans son dos et la sortit de son fourreau. La lame était entièrement noire

-Vous voulez qu’on se rende ? Oubliez cette idée.

Il fendit l’air de sa lame. Le fer de lance tomba par terre, coupé net. Le soldat ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit. Une petite goutte de sang perla sur son cou et il s’écroula, la tête proprement tranchée.

Les deux soldats derrière le cadavre eurent un hurlement de peur et partirent en courant.

 

* * *

Yann était avec Nathan lorsque les soldats entrèrent dans la salle a bout de souffle.

-Sire. Les passagers… Horribles... Le chef d’escouade… Couic…

Yann les regarda. La peur se lisait sur leurs visages et dans leurs yeux.

-Prenez autant d’hommes qu’il le faudra. Ils ne doivent pas arriver ici.

Les soldats saluèrent et partirent.

* * *

Une alarme retentit dans tout le vaisseau et les gardes impériaux coururent tous vers les hangars pour arrêter les intrus.

Nous, armes en main, couvrant le sol de cadavres de soldats, avancions toujours plus vers l’avant du vaisseau. Thanatos semblait tuer sans pitié, son épée taillait dans les chairs et les armures sans difficulté. Florian avait un deuxième sabre et Alex avait troqué sa hache pour une épée courte, plus facile à manier dans les couloirs étroits. Eros s’amusait avec deux dagues qu’il maniait avec une dextérité étonnante.

Quant à moi, je m’extasiais devant le tranchant de la lame d’ombre même après plusieurs siècles d’inutilisation.

 

* * *

 

Finalement, l’ennemi nous encercla à une intersection entre deux couloirs. Les gardes se tenaient tout autour de nous, nous forçant à ranger nos armes avant de s’écartés devant nous pour laisser passer Yann.

-Alors voila les responsables du carnage dans la garde. Dit-il. Bien bien bien. L’empereur souhaiterait vous voir.

Thanatos le regarda et sourit.

-Que se passe-t-il ? Pourquoi rit-il ? demanda Yann.

-Tu ordonnes mais tu te caches.

Il désigna d’un signe de tête l’émeraude qui pendait au cou de Yann.

-Tu vis dans les ténèbres mais tu es habitué à l’ombre. Ton casque te cache de l’ennemi, de la lumière et de la vérité du monde. Tu ne pourras pas gagner complètement un combat  tant que tu te cacheras pour affaiblir ton ennemi.

Yann s’approcha. Il leva les mains et enleva lentement son casque. Ses cheveux tombèrent sur ses épaules et ses yeux noirs brillèrent d’un éclat maléfique. Il souriait et ne semblait pas avoir plus d’une trentaine d’années.

-La victoire n’est qu’une question de point de vue. Pour l’adversaire c’est une défaite. Quoi qu’on en pense.

Il fit un signe de la main, son casque sous le bras.

-Emmenez-les à l’empereur.

Deux gardes nous attrapèrent chacun par les bras et nous tirèrent dans les couloirs.

 

* * *

 

Apres deux minutes de marche forcée, nous sommes arrivés devant une grande porte. Yann l’ouvrit et nous fit entrer dans une grande salle. Des bannières au couleur de l’empire d’Antar pendaient aux murs et un grand bureau de bois occupait, avec un trône somptueux, le centre de la pièce. Le mur du fond était constitué d’une grande baie vitrée devant laquelle se tenait un jeune homme en armure sombre aux jointures d’or. Un long katana était accroché dans son dos.

Yann salua, la main droite sur le cœur, le bras a l’horizontal.

-Monseigneur. Les passagers clandestins.

L’empereur se retourna et les gardes qui nous tenaient nous forcèrent à nous incliner.

Nathan s’approcha de Thanatos qui se tenait un peu devant nous, entouré de deux gardes lui tenant fermement les bras.

-Pensez vous que ce que je fais est bien ?

-Le bien n’est qu’une question de point de vue. Lui répondit le dieu de la mort.

Nathan sourit et dégaina son katana.

-Si il ne s’agit que de point de vue, pourquoi ne pas confronter les nôtres ?

Thanatos se redressa.

-Je crois en effet que l’heure est venue de… trancher dans le vif du sujet.

Il fit apparaître deux épées dans ses mains et trancha les poignets des gardes qui le tenaient avant de planter les épées dans leur cœur. Il abandonnât là ses armes et dégaina son épée à deux mains en s’avançant vers Nathan qui brandit son katana. Un éclat attira mon regard vers le manche. Là, accroché à une chaîne, enroulé autour du poignet de l’empereur, pendait son émeraude.

 

* * *

Alors que Thanatos engageait le combat contre l’empereur, Yann allait s’en mêler quand il vit que les prisonniers se libéraient. Alex avait sortit sa hache et taillait les gardes en pièces. Eros avait déjà rejoint son frère et Flo et Cyr se dirigeaient vers lui, chacun deux lames à la main.

Il commença le combat sans autre possibilité que l’esquive. Il recula vers la baie vitrée. Il avait eu soudain une idée pour se débarrasser, au moins, d’un adversaire.

 

* * *

Flo m’avais rejoint pour combattre Yann; Thanatos et Eros combattaient Nathan et Alex empêchait les gardes d’entrer.

Nous poussions Yann vers les vitres qui formaient un mur et il ne faisait que parer nos attaques. Il changea de tactique en posant le pied sur le sol en verre sous lequel défilait le paysage. Il para un coup de Flo et passa sous sa garde pour le pousser en arrière. Il me contourna d’un mouvement de jambe et profita de ma surprise pour me désarmer. Puis il me lacéra la poitrine d’un coup de lame.

J’eus le souffle coupé et fit trois pas en arrière. Je sentis le verre ployer sous mon poids.

Flo avait la bouche béante. Je le regardai.

-Adieu… Je pars…rejoindre les étoiles.

Je fermai les yeux et basculai en arrière, brisant la vitre derrière moi.

Alors que je tombais dans le vide, j’entendis Flo crier, la voie étouffée.

 

* * *

 

Yann se tourna vers Flo et s’approcha de lui, l’épée au clair. Il poussa la lame d’ombre de Cyr dans le vide en passant, d’un coup de pied.

Il se planta devant Florian.

-Lève-toi ! Je ne tuerais pas un homme à terre.

Flo leva les yeux vers lui.

-Tu vas payer pour lui comme pour tous les autres.

Il ramassa son sabre qui s’embrasa d’une vive lumière. Il se jeta sur Yann et porta des coups désordonnés en visant le cou et le visage, non protéger par son armure.

Yann encaissa les coups, arrêtant la plupart et subissant les autres. Finalement, à force de prendre des coups, la chaîne qui retenait l’émeraude à son cou cassa et la pierre vola dans la pièce, elle rebondit au sol et bascula dans le vide par la fenêtre.

-Bravo. Je n’ai plus rien à craindre désormais.

* * *

 

Je sentais le vent fouetter mon visage, voyait l’Yfrit s’éloigner et sentait le sol se rapprocher. Une voix surgit dans mon esprit, s’imposant à moi.

-Les ténèbres n’ont pas de limite.

Je repliai mes jambes et me mit en boule, espérant que la mort serait plus rapide en touchant le sol.

 

* * *

 

Alex ne tiendrait plus très longtemps. Yann avait envoyé Flo à terre et allait l’achever. Nathan esquivait les coups et, malgré l’allonge de son arme, il ne pouvait pas faire grand chose.

Eros se rendit compte que Cyr avait disparu et perdit un instant sa concentration.

Nathan en profita pour l’envoyer valser contre un mur. Il se redressa face à Thanatos.

-L’heure est venue d’en finir.

Les spectres se regardèrent et changèrent de formes. Ils se jetèrent dessus, chaque impact entre leurs lames provoquait des étincelles.

* * *

 

Yann s’approcha de Florian qui était étendu par terre.

-Adieu.

Il leva son épée et l’abattit. Elle se brisa en morceaux.

Il se retourna et se retrouva nez à nez avec un spectre ailé, une épée dans chaque main.

-Je ne peux te tuer. Dit le spectre. Mais te faire disparaitre.

Il le souleva et le jeta contre les dernieres vitres qui cédèrent sous l’impact.

Yann eut le souffle coupé et bascula dans le vide.

 

* * *

Je repris forme humaine et aidai Flo à se relever. Il partit aider Alex et je rejoignais Thanatos et Eros. A trois, nous réussîmes à faire lâcher son émeraude à Nathan et la pierre se stabilisa à dix mètres de nous. L’empereur se jeta en avant pour la récupérer mais Thanatos fut plus rapide. Il plaça son épée dessus et attira l’attention de l’empereur qui se mit à rire.

-Seule une lame d’ombre peut la briser. Et la dernière est passée par-dessus bord il y a dix minutes.

Thanatos sourit.

-Le forgeron as fait bien des lames.

Et il abattit sa lame sur la pierre qui explosa en morceaux. Nathan écarquilla les yeux et hurla.

-NNNOOOONNN !

Et il se dispersa en un nuage de fumée, comme soufflé par un coup de vent.

Son cri se répercuta dans le vaisseau avant de disparaitre complètement.

Thanatos reprit forme humaine.

-Ainsi s’éteint le second empereur d’Antar.

-C’est fini. Conclu Eros.

A l’horizon, le soleil réapparut.

-Il reste encore des choses à faire. Dit Thanatos. Il faut annoncer à Mathilde qu’elle peut commencer à reconstruire Hilsbrad par exemple.

-Je m’en charge. Dit Flo.

-Il faut reprendre le pouvoir à Antar. Reprit le dieu de la mort. Ce pays ne doit pas sombrer dans la guerre civile

-J’y vais. S’exclama Alex. J’ai toujours rêvé d’être un tyran.

-Voilà pour l’essentiel. Finit Eros.

Thanatos s’approcha de moi. Il me tendit les fragments de l’émeraude de Nathan.

-Tu déposeras ça dans le temple d’Anmarand.

Je les pris et nous avons tous échangé un regard.

-Voila. Dit Eros. L’heure est venue de nous séparer.

-Nous reverrons nous un jour ? demanda Flo.

Thanatos sourit.

-On a toute l’éternité pour ça.

-Alors au revoir.

Alex, Flo et moi nous sommes approchés de la vitre brisée.

J’eus un dernier regard en arrière avant de déployer mes ailes et de m’envoler vers le sud.

 

* * *

Il se releva de la touffe d’herbe dans laquelle il était tombé.

A quelques mètres devant lui, son émeraude brillait par terre devant la lame d’ombre planter dans le sol.

Yann boita jusqu'à la lame qu’il ramassa. Il s’approcha de la pierre qui brillait au soleil.

Le général déchu leva la lame au dessus de la pierre et allait l’abattre quand une voix jaillit derrière lui.

-Tu risque de disparaitre éternellement.

Yann ne tourna pas la tête et continua de fixer la pierre.

-Combien j’ai de chance de survivre ?

-Pas plus d’une sur un million.

-Alors ça vaut le coup d’essayer.

Et il abattit la lame sur la pierre qui éclata et libérant un flot de lumière qui remonta la lame et disparut.

Yann vacilla et tomba à genoux. Il aspira une grande goulée d’air. La présence derrière lui s’atténua

-Tous les crimes se payent un jour. En attendant, bienvenue dans les ténèbres et attention, elles sont voraces.

 

* * *

 

Je me posais devant le temple. La porte était ouverte. L’intérieur n’était constitué que d’une seule pièce. Sur les murs s’alignaient huit niches, quatre de chaque côté. Dans chacune d’elle se trouvait une lame brisée et la plupart contenait également une émeraude fendue. Le mur du fond comportait une niche entièrement vide. J’y déposais la pierre de Nathan et sortit du temple dont la porte se ferma derrière moi, scellée à nouveau.

 

Je marchais ensuite vers le sud en suivant la côte. J’allais ainsi jusqu’à l’extrémité du continent, au-delà du désert et des plaines qui le suivent avant de remonter vers le nord. Je traversais les Mont Agnes et voyageais dans les territoires de Galbadia et d’Antar où je retrouvais Alex, confortablement installé. Il avait le titre d’empereur mais avait nommé un ministre pour chaque domaine et les laissaient diriger.

Il me fallut finalement quatre ans après avoir vaincu Nathan pour revenir dans les frontières du royaume de Mathilde, et apprendre qu’elle venait d’avoir un fils. Je retrouvais Florian, qui avait été nommé duc d’un petit territoire sur la côte, loin d’Hilsbrad.

Je m’installais finalement à Ahok et continuait periodiquement de partir en voyage, découvrir des lieux perdus.

Ainsi se déroulèrent les trois cent années suivantes.