• Chapitre 4

    Nous avons donc quitté Ahok et marché vers le sud pendant trois kilomètre environ avant d’arriver à un panneau indiquant :

    Désert du Sagrat => 30 Km

    Jivej-gagne => pas tout près

    3000km<= Antar

    Alex regarda le panneau et demanda :

    -Ça fait combien, "pas tout près", en termes de distance ?

    Thanatos fit semblant de réfléchir.

    -A peu près trois cent kilomètre de sable et de monotonie.

    -Alors dépêchons nous !

     

    Nous marchions ainsi pendant tout le reste de la journée, au milieu des plaines de ce qui était autrefois le royaume d’Hilsbrad, semé de foret et de champs labourés, entourant bien souvent de petit village ou marquant les berges d’une rivière.

    A la tombée de la nuit nous avons fait halte au milieu d’une clairière à l’herbe épaisse, qui nous permettrait de nous installer confortablement

    Eros fit apparaître quatre duvets, Thanatos alla s’asseoir contre une souche et recommença à aiguiser sa dague.

    Apres un bref repas à base de viandes séchées, Eros, Alex, Flo et moi étions allé nous coucher entouré des bruissements des feuilles au passage de la légère brise nocturne. Je m’endormis en songeant que ma jambe ne m’avait pas fait mal, et qu’elle me paraissait presque normale depuis notre saut dans le temps.


     

    Lorsque je me réveillai il faisait encore nuit. Je baillai et cette simple bouffé d’air nocturne me fit l’impression d’être plus reposé qu’après toutes les nuits que j’avais passées à dormir.

    Je m’assis et regardai autour de moi. La clairière était calme et je crus apercevoir une paire d’yeux, dissimulé sous un buisson.

    -Certaine vie ont choisi la nuit, pour des raisons très différentes mais toutes n’aime pas être dérangé.

    Thanatos, toujours appuyé contre sa souche, faisait glisser une petite boule noire entre ses mains, tout en me regardant du coin de l’œil. Il immobilisa sa main et la boule s’évapora dans l’air nocturne en petit volutes de brumes.

    -Bien dormi ?

    Je me levai en vérifiant si Eros, Alex et Flo dormait toujours. Ils étaient tous trois plongé profondément dans le sommeil.

    -Vous ne dormez pas ? Demandai-je au dieu de la mort en m’asseyant face à lui.

    -Non. Répondit-il. Tu as du remarquer que la simple respiration de l’air nocturne a été plus revigorante que ton repos ?

    J’acquiesçais d’un signe de tête.

    -C’est normal. Tu es ténébreux et la nuit est remplie de ténèbres. En respirant l’air, cela te renforce.

    -Et c’est la même chose pour mes amis ?

    -Oui. Ils se renforcent le jour.

    -Mais pourquoi dorment-t-il alors ?

    -Ils se cachent des ténèbres, ils n’ont aucun pouvoir la nuit et ont peur de ce qui pourrait s’y cacher.

    Mon regard se porta instinctivement sur le buisson sous lequel j’avais cru voir des yeux.

    -Un simple chat errant, à la recherche de la fraicheur de la nuit et d’une proie distraite. Dit Thanatos, percevant mieux que moi les créatures nocturnes.

    Apres quelques instants de silence a respiré cet air revigorant je demandai :

    -Combien de temps reste-t-il avant d’arriver à Jivej-gagne ?

    -Demain midi, on sera au désert du Sagrat. Ensuite il nous faudra environ trois jours après.

    Apres un autre silence, plus court, Thanatos déclara que le moment était venu de m’enseigner les ténèbres.

    Pendant le reste de la nuit il m’enseigna donc les bases de la connaissance des ténèbres, qui se révélèrent offrir des possibilités que je n’aurais jamais soupçonné.

    Au matin, Eros se réveilla le premier et vint nous voir.

    -Alors, bien dormi ? Demandât-il à son frère en souriant.

    Thanatos le regarda avec désespoir.

    -Une fois ça va, deux ça passe, mais tous les matins pendant trois mille ans ça devient laçant.

    -Pff. On ne peut même plus rigoler.

     

    Peu de temps après, Alex et Flo se réveillèrent et il nous fut possible de repartir après avoir fait disparaître sommairement les traces de notre campement.

    Alex, désireux de connaire l’heure, se fit apparaître une montre au poignet.

    Tout en marchant, nous suivions un cours de sciences humaines et spectrales avec une paire de dieux en guise de professeurs.

    -Chaque être humain est divisé en trois parties: une part d’ombre et une part de lumière qui se battent pour contrôler l’individu et ses actes, et une part d’humanité, qui est là pour équilibrer. Quand quelqu’un meure, son humanité disparaît et ses parts de lumière et d’ombre s’annulent et disparaissent.

    -Sauf dans des cas exceptionnel où l’individu deviendra alors soit un spectre, si sa part d’ombre dominait, soit un fantôme, si sa part de lumière dominait.

    -Et nous on est quoi ? Demanda Florian

    -Vous, vous avez perdu la part opposée au pouvoir que vous avez choisi, et votre humanité seule vous permet de rester matériel. C’est pour cela que vous pouvez, normalement, encore mourir.

    -Normalement ?

    -Vous ne mourrez pas de vieillesse, mais de graves blessures peuvent entrainer votre mort, ou si votre humanité disparaissait. Mais rassurez- vous, ça n’arrivera pas tout seul.

     

    Vers midi, le désert du Sagrat s’offrit a notre vue. Les plaines verdoyantes laissèrent place à du sable à perte de vue, marqué de temps en temps par une des rares formes de vie qui subsistaient encore en ses lieux.

    Florian regardait ce sable qui couvrait l’horizon de ses reflet jaunes et fut frappé par le fait qu’il nous fallait nous y aventuré au hasard, a la recherche d’une cité a l’emplacement plus qu’approximatif.

    Eros lui mit la main sur l’épaule.

    -Techniquement, tu es mort. Tu n’as plus besoin de boire ni de manger, alors on va gagner du temps.

    -Courage, plus que trois cent kilomètres de sable qui gratte et de monotonie.

    Nous nous engagions donc dans le sable, toujours en direction du sud.

     

    Après deux heures de marche dans le sable, il se passa enfin quelque chose.

    Un léger vent se leva et un peu de sable se souleva du sol.

    Je regardai l’horizon et c’est alors que je la vis : une colonne de sable qui contrastait avec le ciel bleu, une tornade. Je me figeai et tout le monde regarda ce nuage de sable qui fondait sur nous à toute vitesse en tournant sur lui-même, entrainant dans sa course davantage de sable et quelques chacals qui se demandaient depuis quand ils avaient acquis la capacité de voler.

    Thanatos et Eros se regardèrent, et le dieu de la mort déclara :

    -Accrochez vous à moi. Je vais nous ancrer.

    -Si elle est trop forte tu ne tiendras pas. Lui rétorqua Eros.

    -Mais ça vaut le coup d’essayer.

    -Peut-être, mais je prépare un bouclier.

    -Si tu y tiens.

    Nous avons donc formé une chaine, accrochée solidement ensemble, Eros se tenant à Thanatos et nous à Eros.

     

    La tornade était maintenant à une dizaine de mètres de nous.

    Thanatos tendit les mains devant lui et les frappa l’une contre l’autre, créant une sorte de gros bâton noir qui s’enfonça dans le sol.

    C’est à peu près à ce moment que la tempête nous frappa.

    Je me sentis soulevé du sol et m’accrochai plus fortement à Eros. Le sable me lacérait le visage et rentrait dans mes vêtements. Je gardai les yeux bien fermés en essayant de ne pas entendre le rugissement du vent qui fouettait mes oreilles.

    Et puis cela se calma et je rouvris les yeux.

     

    Nous étions toujours dans la tornade, mais nous en étions séparés par un cordage de fil blanc et noir en forme de dôme, au centre duquel se tenait Eros et Thanatos, paume contre paume. De leurs mains tendues l’une vers l’autre partaient les fils qui formaient le maillage du dôme protecteur.

    Alex contemplait le dôme et semblait ahuri d’une telle coopération lumière-ténèbres.

    Flo, quant à lui, était en conversation avec les deux dieux-frères.

    -Il m’a semblé entendre une voix dans le vent. Disait-il.

    -Tu es sûr ? demanda Eros.

    -Oui, ça ne ressemblait à aucune langue que je connais mais c’était une voix.

    -Ca explique la puissance de la tempête et le fait qu’elle se soit stabilisée pile au-dessus de nous.

    En effet, en dehors du dôme, la tornade semblait avoir arrêté de se déplacer pour nous piéger dans ses vents tourbillonnants.

    -Si c’est ce que je pense je peux l’arrêter. Continuait Thanatos. Est-ce que tu peux tenir le bouclier ?

    -Je pense que oui. Lui répondit son frère.

    -Alors à trois. Un, deux…trois !

    Thanatos détacha alors sa main de celle d’Eros et fit un pas en arrière. Les fils noirs du dôme disparurent, remplacés par les fils blanc.

    Le dieu de la mort se mis au bord du dôme, leva les bras à hauteur de ses épaules et fit apparaître deux boules noires dans ses mains. Il prononça des mots incompréhensibles dans une voix plus grave et gutturale que sa voix normale. Les deux boules grossirent au fur et à mesure que la tempête semblait faiblir.

    Finalement le vent s’arrêta et Thanatos regroupa les deux boules en une seule, grosse comme un ballon de foot qu’il lança dans le sable à l’extérieur du dôme. La boule fit une courbe avant de toucher le sol et d’éclater en une onde de choc qui se propagea dans le sable, formant une petite vague.

    Thanatos se retourna vers son frère et hocha la tête. Eros referma le poing et le bouclier protecteur se volatilisa dans l’air.

    Alex épousseta un peu de sable de son pantalon et dit:

    -Wahou ! Ca ç’est du vent !

    Thanatos sourit et nous expliqua qu’il s’agissait d’une tornade magique. Il y avait autrefois trois villes dans le désert. Vangaard, qui regroupait de nombreux mages. Anmarand, et Jivej-gagne, grande cité, riche grâce aux échanges avec les peuples au sud, dont elle était proche de la limite. Une ancienne route reliait ces trois cités afin de faciliter les déplacements. Vangaard était la plus au nord et avait protégé sa portion de route avec des sorts puissants avant de disparaitre. Cette tornade en faisait surement partie.

    -Donc, si on trouve cette route, on aura plus qu’à la suivre jusqu'à Jivej-gagne. Conclut Eros. Si elle y conduit toujours.

    Alex déclara que la route ne devait pas être loin, et commença à chercher une trace derrière les dunes alentour.

     

    Au bout de deux minutes il revint en courant.

    Je le regardai approcher et lui demandai si il avait trouvé quelque chose.

    -Oui ! Un scorpion géant !

    Thanatos le regarda avec étonnement jusqu'à ce qu’une ombre recouvre ses pieds. Nous avons tous levé les yeux vers le haut de la dune.

    Pas de doute possible, c’était bien un scorpion avec pinces et queue recourbé réglementaire. Ce qui était moins réglementaire, c’était sa taille : un bon mètre cinquante au garrot.

    Je regardai Florian et Alex et je leur demandai :

    -On se le fait ?

    Florian paru déçu.

    -Il n’y en a qu’un ?

    -Un pour tous. Répondit Alex.

    -Vous envisagez une tactique ? Demanda Eros.

    -on lui fonce dessus, on tape au hasard et quand ça saigne on s’acharne. Lui répondis-je.

    -Tous ? S’étonna Eros.

    -Tous des bourrins. Répéta Alex

    -Bon ben, tous sur lui ! Finit Flo.

    Nous dégainions tous les trois nos armes et croisés au-dessus de nos têtes, avons crié ce qui resterait notre cri de ralliement:

    -Un pour tous! Tous bourrins! Tous sur lui!

     

    Il s’en suivi un indescriptible bazar à l’issue duquel le scorpion, qui n’eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait, se retrouva avec une pince et la moitié de la queue en moins avant d’être achevé par Florian et ce qui deviendrais son coup de la crêpe, qui consiste à retourner l’ennemi sur le dos avant de lui transpercer le ventre à grand coups de sabre, entre les plaques de la cuirasse ventrale.

     

    Eros et Thanatos, pliés de rire en nous voyant ressortir du combat couverts de sang de scorpion mais sans la moindre égratignure, nous annoncèrent qu’entre-temps ils avaient trouvé la route.

    Nous la parcourions donc pendant deux jours avant de nous arrêter au pied d’une dune plus grande que les autres, le soir du troisième jour.

    A la tombée de la nuit, Thanatos nous annonça que nous arriverons bientôt.

    Vers minuit, alors que je continuais mon apprentissage à une certaine distance du camp, la butte se distingua soudain clairement des autres : ses contours étaient clairement dessinés dans une vive lumière, elle semblait s’embraser.

    Thanatos regarda la bute et murmura :

    -On y est.

     

    * * *

     

    Deux jours plus tôt, soit à peu près quand Flo, Alex et Cyr s’engageaient dans le désert, un vieil homme sortait du palais impérial d’Antar en grignotant une carotte. Mais la veille, ce vieil homme avait transformé en spectre l’empereur Nathan et, à sa demande, avait également transformé son serviteur, le général Yann, en spectre. Il avait enfermé la part d’humanité et de lumière des deux hommes dans des émeraudes que les deux spectres portaient désormais au cou, en pendentif. Il leur avait également spécifié :

    -Si l’émeraude est brisée, vous mourrez. Seule une ancienne lame d’ombre peut les briser mais la légende est claire : Nombre furent forgées ; mais une ne fut pas brisée.

    L’empereur avait écouté attentivement.

    -De cette épée vous devez vous méfier. Finit le sage.

    -Comment saurai-je que je dois me méfier d’une lame en particulier ?

    -Les lames magiques sont puissantes. Vous la sentirez en la voyant.

    -Parfait, alors va, sage, et demande au serviteur le prix de ton œuvre. Il te le donnera.

    Le sage partit en s’inclinant

    Quelques minutes plus tard, Nathan se tourna vers son général.

    -Yann ?

    -Oui sire ?

    -Fait armer l’Yfrit. L’heure est venue de tester ces nouveaux pouvoirs.

    -Oui, sire.

    Le général partit à reculons, souriant sous son casque.

    L’Yfrit était le vaisseau de guerre impérial. Le faire armer signifiait le début des hostilités.